L’histoire des bâtiments de l’école spécialisée « Le Saulchoir » (1880-1968)
De l’Institut hydro-thermal du Docteur Kneipp, fin XIXe à nos jours, pas moins de quatre institutions religieuses se sont succédées dans les bâtiments qu’occupe aujourd’hui l’école libre d’Enseignement Secondaire Spécialisé « Le Saulchoir » :
L’institut Kneipp | Les Soeurs Rédemptoristines | Les Religieuses Dominicaines du Monastère de la Croix de Paris |
La Maison du Saint Curé d’Ars | Les soeurs de la Divine Providence
L’Institut Kneipp
Le site du Saulchoir connaîtra, fin du XIXe siècle, un regain d’activités, grâce à l’implantation de l’institut thermal du Docteur Kneipp. Le docteur Sébastien Anton Kneipp était Curé et physicien allemand, devenu célèbre grâce à ses cures hydrothérapeutiques.
Un article médical de 1880 nous annonce cette installation, bien mieux, argumente le bien-fondé de l’implantation en ce lieu “d’une station hydro-minérale avec installations hydrothérapiques complètes, laiterie modèle et hôtelleries”. L’entreprise, y dit-on, aura en vue de mettre à profit les qualités bienfaisantes de la source ferrugineuse du Saulchoir, les richesses du parc magnifique qui l’entoure, les beautés des sites environnants.
On peut légitimement se poser deux questions :
- pourquoi cet engouement nouveau ?
- pourquoi ce le long délai avant sa mise en exploitation ?
Il va sans dire que la facilité des communications nouvelles, en plein essor en cette fin de XIXe siècle, a contribué à la naissance de ces maisons de cures ; si on ajoute les progrès scientifiques qui ont permis de mieux cerner les champs d’actions liés à une analyse plus fine des qualités des eaux, on aura une partie de la réponse à la première question.
Les eaux du Saulchoir sont alors décrites comme : “une eau ferrugineuse légère à densité faible, claire et limpide, d’une saveur légèrement astringente tempérée par un goût acidulé des plus appétissants, prise avec plaisir par les estomacs les plus délicats, se mêlant aisément au vin dont elle n’altère ni la limpidité, ni la couleur, ni le goût, elle peut en un mot constituer la meilleure eau de table des anémiques, des chloratiques et des convalescents”.
Pour répondre à la deuxième question, tout laisse à penser que quelques publications portèrent le discrédit sur la pureté et la qualité de ces eaux et que ce n’est qu’une analyse nouvelle et sérieuse qui fit taire les détracteurs. Autre hypothèse : le débit plus ou moins régulier des sources aurait fait craindre le tarissement et ainsi freiné l’exploitation.
Quoi qu’il en soit, les analyses nouvelles d’une part, les progrès de l’ingénierie industrielle d’autre part, permettent enfin d’exploiter les sources en cette fin du XIXe siècle.
Le succès d’autres installations thermales, comme à Spa ou en Allemagne, la qualité du site de Kain tant au niveau de la qualité minérale qu’au niveau de l’environnement, la proximité de centres de vie économique du nord de la France conduiront le Docteur Kneipp à venir installer à Kain un centre hydrothérapeutique utilisant la qualité des eaux du Saulchoir ; centre où il prônera la combinaison des méthodes d’emploi interne et externe de l’eau comme cela se fait à Spa ou dans ses autres centres en Allemagne.
Il le fondera vers 1890 (vraisemblablement 1882) à l’emplacement de l’actuelle École libre d’Enseignement Secondaire Spécialisé « Les Colibris » – Implatation « Le Saulchoir ».
Les sources et les étangs proches alimentaient son établissement dont la publicité reprenait les termes suivants :
KAIN – LES BAINS
Etablissement Thermal de 75 chambres confortables
H Y D R O T H É R A P I E
– Maison de convalescence –
(Electrothérapie, massage, gymnastique suédoise par un médecin spécialiste)
Les bains de vapeur SECHE térébenthinés sont une des acquisition les plus importantes de la médecine contemporaine. C’est la méthode la plus rationnelle approuvée par l’académie de médecine. L’ASTHME, les CATARRHES CHRONIQUES se guérissent rapidemenr par les fumigations résineuses au PIN MUGO. Avec ce traitement, on obtient des résultats vraiment inespérés.
La médication thermo-résineuse jointe à l’hydrothérapie a désormais la première place dans le traitement des NEURASTENIES et de toutes les MALADIES NERVEUSES. Guérison des RHUMATISMES et de la GOUTTE
Demandez le prospectus au Docteur TOURPE
Voici à n’en douter, un catalogue de qualités thérapeutiques propre à convaincre n’importe quel malade qui s’ignore. Les domaines de soins étaient donc multiples et les 75 chambres témoignent d’une réelle importance.
Ainsi par exemple, une chaudière à vapeur alimentée au charbon assurait l’énergie principale des lieux : on retrouve trace de la commande auprès du constructeur Louis Carton de Tournai en 1893.
Une lettre de 1893 et une autre de 1896 nous permettent de préciser le nom de l’administrateur-délégué : un certain Marc Singer. Vers l’année 1903, on retrouve le nom du Docteur Tourpe comme Directeur. Mais hélas, l’abaissement de la nappe d’eaux contribua à la fermeture de cet institut et une page de l’histoire de Kain fut alors tournée.
Nous étions en 1903.
Les Soeurs Rédemptoristines (1903-1920)
L’ordre des soeurs Rédemptoristines fut fondé le 13 mai 1731 par la Vénérable Mère Marie-Céleste Crostarosa, à Scala près d’Amalfi, suivi en 1732 par l’ordre des Rédemptoristes, fondé par Saint Alphonse-Marie de Liguori ; deux ordres religieux complémentaires : l’apostolat des Pères et Frères soutenu par la vie contemplative des Moniales. La première fondation de Rédemptoristes en Belgique s’établit à Rumillies en 1831 et fut transférée à Tournai en 1833. Les Moniales Rédemptoristines vinrent fonder un monastère à Soignies, dès 1878.
C’est en 1901 que le diocèse de Tournai accueillit les Moniales françaises frappées d’exil. Si les Rédemptoristines d’Armentières trouvent refuge à Maffle, celles de Saint-Amand-les-Eaux viennent s’installer à Kain. En quelques semaines, il fallut trouver une maison pour accueillir la Communauté, composée alors de vingt-six soeurs. Leur installation à Kain ne fut pas une fondation en terre belge, mais un refuge d’exil, en attendant de pouvoir rentrer en France.
Dans un premier temps, les soeurs louent une propriété à Monsieur le Comte d’Hespel, où la Communauté arrive le 25 septembre 1901. Très vite, ces locaux s’avèrent trop petits. Il faut noter que leur exil n’avait pas tari l’arrivée de jeunes Françaises, désirant partager la vie des Rédemptoristines.
Plusieurs établissements leur sont proposés, jusqu’au jour où l’établissement thermal Kneipp étant mis en vente, les Soeurs l’acquièrent et s’y installent, après quelques aménagements, en décembre 1903 (pour la petite histoire, elles rachètent aussi la machine éléctrique et hydrolique de l’Institut Kneipp qui leur fournira dorénavant eau et électricité).
Ordre contemplatif, ces Moniales trouvent la paix en ce havre boisé, face au Grand Manaing. On imagine cependant que lors de la bataille du 24 août 1914, à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau du théatre des opérations, elles durent frémir à entendre résonner mitrailles et fusils.
Pendant les années de guerre, la chronique cite les noms de quelques habitants de Kain : soit qu’ils aidaient les soeurs, soit que les soeurs les accueillaient dans leurs caves (assez vastes), pendant les combats et les bombardements. En voici quelques-uns : Monsieur l’abbé Deleuze, Monsieur Carbonnelle, Mademoiselle de Formanoir, Madame Alma Lefoyer, Monsieur Damerval, Monsieur Corbisier, leur proche voisine “Sylvie” et ses deux enfants. Il y avait encore le cocher de Monsieur Carbonnelle qui, prisonnier civil, s’était échappé, se cachant dans une cave du monastère, avec sa femme et sa petite fille.
Les soeurs recevaient, pour assurer l’Eucharistie, le salut du Saint-Sacrement ou les confessions, Monsieur le Curé de la Tombe, Monsieur le Supérieur ou des Professeurs du Collège de la Tombe. De par leur vocation, elles ne participaient pas directement à la vie de la jeune paroisse, si ce n’est par la prière.
On garde néanmoins trace d’une relation connue avec la paroisse : la Dame Tourière (Sophie Duriez) intervint pour des travaux de blanchissage et de raccommodage de linge pour l’église de la Tombe, comme en témoigne une ordonnance de paiement émanant de la fabrique d’Eglise en 1915.
Après la guerre de 1914-1918, la possibilité d’un retour en France put être envisagé.
La vie reprit son cours en France, jusqu’en juin 1940 : date à laquelle le monastère fut entièrement détruit par un bombardement. Après la guerre, ne pouvant reconstruire leur monastère, presque toutes les soeurs furent accueillies au monastère des Rédemptoristines de Wargnies-le-Petit (Nord de la France).En 1920, la communauté retrouve son monastère de Saint-Amand dont la spoliation a pu être évitée. Les soeurs quittent Kain, le 25 octobre, ayant cédé leur monastère à des Dominicaines.
Ce monastère de Wargnies-le-Petit a été transféré dans la Drôme en 1980, à Saint-Restitut. C’est là que les archives du Monastère de Saint-Amand / Kain se trouvent.
Les Religieuses Dominicaines du Monastère de la Croix de Paris (1920-1941)
L’ordre des Dominicaines fut fondé dans l’Aude en 1206 par Saint Dominique.
Parmi les Dominicaines, on trouve des moniales comtemplatives qui font également partie de la famille de l’Ordre des Dominicains, frères prêcheurs.
Les Religieuses rachètent aux sœurs Rédemptoristines leur monastère de la rue du Saulchoir et en prennent possession en 1920. Elles vont y résider pendant un peu plus de vingt ans, vouées à la prière et à la vie monastique, sans apostolat direct avec les habitants de Kain la Tombe.
Leurs journées se déroulent en une succession d’offices, de prières et de méditations, assez semblables à celles décrites pour les moines Dominicains, presque voisins.
C’est ainsi que l’on peut imaginer la cloches qui tintent légèrement à minuit, réveillant aussi quelques Dominicains qui croient que déjà sonnent les “Matines”. (ce sera pour eux à deux heures !)
Les Moniales, elles, se lèvent et font “la Sainte Minuit” dans leur sobre chapelle, avant de rejoindre leurs cellules.
Ainsi, de l’aube à la nuit, le quartier du Saulchoir … chante et prie.
C’est en 1941 que les Dominicaines regagnent la France et revendent les bâtiments qui les avaient abritées.
Saint Curé d’Ars (1941-1968)
Le 10 juillet 1939, Monseigneur Rasneur, Évêque de Tournai, fonde le petit Séminaire des vocations tardives et l’installe dans la maison de campagne de l’Evêché à Kain.
A sa direction, l’Abbé Joseph Florent Mahieu qui avait auparavant passé dix-sept ans au séminaire de Bonne-Espérance comme professeur.
En 1941, Monseigneur Delmotte fait l’acquisition du couvent des Dominicaines du Monastère de la Croix de Paris, au 56 de la rue du Saulchoir, pour y établir définitivement la Maison du Saint Curé d’Ars.
En 1946, commencent les grands travaux d’aménagement et quelques Religieuses de la Divine Providence se mettent au service de la Maison, lui assurant ainsi une certaine autonomie. Un des premiers aménagements est l’installation au fond du cloître d’un autel dédié au Saint Curé d’Ars, Saint Jean-Marie Vianney qui pria tant Notre Seigneur pour que se lèvent des vocations nouvelles.
En 1958, le premier directeur, le Chanoine Mahieu, se retire, il est nommé aumônier de l’hôpital Civil de Tournai et est remplacé par l’Abbé Jacques Coulon.
En 1959, le 1er juillet, la Maison fête le vingtième anniversaire de sa fondation qui était aussi, heureuse coïncidence, le centième anniversaire de la mort de son saint patron, le Curé d’Ars. En présence de Monseigneur l’Évêque, de Messeigneurs Carlier, Joos ret Nassaux, de Messieurs les Chamoines Gravis, Lobet, Luypaert, Delmée et Hachez, l’ancien directeur, Monsieur le Chanoine Mahieu et l’actuel, Monsieur l’Abbé Jacques Coulon, précédés de quelque cent prêtres et séminaristes assistent à une messe solennelle en la chapelle du domaine. La messe terminée, le cortège se rend à l’autel fleuri du Saint Curé d’Ars, au fond du cloître, pour les remercier du fruit de ces vingt années : soixante-sept prêtres, dix-neuf séminaristes et dix religieux !
La Maison des vocations tardives continuera ainsi son oeuvre jusqu’en 1968.
(Signalons, sans être complets, quelques noms de professeurs ayant exercé au Saint Curé d’Ars : Le Chanoine Mahieu, l’Abbé Jacques Coulon, l’Abbé Gérard Coulon, l’Abbé Mottoul, l’Abbé E. Staquet, l’Abbé G. Gosseries, l’Abbé M. Vangrootenbrul, l’Abbé Paul Labrique, l’Abbé Jean Charles Planque, l’Abbé P. De Graeve).
Actuellement, ce bâtiment est occupé par l’école libre d’Enseignement Secondaire Spécialisé « Le Saulchoir », notre école (un nom emprunté qui provoque souvent confusion chez nos aînés).
Le mur de clôture a été abattu, quelques nouveaux locaux ont été construits et la jolie chapelle a été reconvertie en salle de gymnastique. Un vitrail de la Trinité provenant de cette chapelle, daté 1925-1947, orne depuis 1970 l’église du Mont Saint-Aubert ; tous les autres ou presque ont été malheureusement perdus (…).
Les Soeurs de la Divine Providence (1946-1966)
C’est en 1902 que les Soeurs de la Divine Providence de Créhen (Côtes du Nord en Bretagne) arrivent en Belgique, à Wodecq, à Estinnes-au-mont et à Tournai où elles trouvent asile au n°26, chaussée de Renaix. Elles y sont toujours, à la tête d’une maison de repos pour personnes âgées.
Dès 1945, la Maison du Saint Curé d’Ars à Kain recherche quelques religieuses pour subvenir aux besoins d’intendance de son jeune séminaire.
Sur les conseils du curé du Sacré Coeur, le directeur du Curé d’Ars, l’Abbé Mahieu, propose les soeurs de la Providence de la chaussée de Renaix.
En 1946, le 29 novembre, Monseigneur Lecouvet, Vicaire Général, approuve l’installation de cette Communauté à Kain.
L’érection de cette communauté sera reconduite en 1956, sous le seing de Monseigneur Thomas, pour Monseigneur Himmer.
Pendant plus de 20 ans, les Soeurs de la Divine Providence vont se dévouer à l’intendance de la Maison de Kain dont elles deviennent un peu “l’âme”, donnant l’exemple d’une vie religieuse alliée au travail quotidien avec une bonté souriante de chaque instant.
En août 1957, la Maison du Curé d’Ars accueille à la rue du Saulchoir toutes les retraitantes des Maisons de la Divine Providence de Belgique. Cette retraite se tenait autrefois à Wodecq dont la communauté venait d’être supprimée.
Mieux que de longues descriptions, ce petit passage d’une lettre d’une retraitante nous livre le “charme des lieux”
“Il faut bien l’avouer, les coeurs étaient un peu serrés avant d’arriver. On pensait à la chère Maison de Wodecq où, d’habitude, la retraite nous ramenait toutes, joyeuses, confiantes et fraternelles. Les Soeurs qui ne connaissaient pas Kain et son accueil venaient un peu hésitantes. Mais l’hésitation ne fut pas longue. Dès le seuil du cloître, Monsieur le Directeur accueille les arrivantes. Tout est parfaitement organisé. Chaque Soeur dispose d’une cellule, véritable petit sanctuaire, où elle peut se retirer entre les exercices. Les Séminaristes ont tellement astiqué leur petit domaine qu’il flotte dans l’air un parfum de fraîcheur et de cire. Les cloîtres sont reluisants, silencieux. La chapelle est intime, si recueillie ! Le grand parc offre la paix ombragée de ses allées. Nul bruit n’arrive jusqu’à nous. On se croirait à cent lieues du tohu-bohu des villes.”
En août 1958, toutes les soeurs reviennent pour une seconde retraite, heureuses de retrouver la paix et l’accueil de la Maison du Saint Curé d’Ars.
En 1959, sont organisées les festivités du 20e anniversaire de la fondation du Séminaire des vocations tardives.
En 1966, les Soeurs de la Divine Providence quittent la maison. Les religieuses se retirent dans d’autres communautés.
Dans le même esprit mais maintenant au service de la personne handicapée, à partir de 1965, l’enseignement spécialisé occupera petit à petit ces bâtiments et les enseignements spirituels jadis dispensés.
> En savoir plus sur les origines de l’école « Les Colibris », d’hier à aujourd’hui